Pas loin de chez moi il y a une petite montagne qu'on appelle le Mont Ventoux. On ne donne pas les noms aux choses pour rien. Il faut y penser! Le Mont Ventoux donc, porte bien son nom. Il faut dire que depuis qu'il est là, des générations et des générations d'êtres parlants ont eu le temps de lui trouver un surnom adéquat. Ventoux - donné par ceux qui habitent à ses pieds, ceux qui le connaissent bien. Ça fait réfléchir. Mais certains s'installent ici comme si on ne les avait pas prévenus. Ils sont passés par là un été, c'était le mois d'août, il faisait beau, ils ont eu chaud, ont dormi dans la chambre blanche et climatisée d'une maison d'hôtes chic et ont pataugé dans une piscine de la taille de leur appartement parisien. Le Ventoux, c'était sûr, c'était le paradis sur terre - ou plutôt en France, parce que s'ils avaient pu, ils auraient opté pour Bali mais il y a les enfants, le boulot, la langue et ils aiment quand même beaucoup les cornichons et les merguez. Ils se sont donc installés dans le village voisin de la chambre d'hôtes. C'était le mois d'août - encore! -, les enfants jouaient dehors, dans leur nouveau grand jardin, plus besoin de les sortir au square, un ridicule lopin de verdure coincé entre cinq immeubles. Ils creuseraient la piscine l'année suivante. En attendant ils faisaient bronzette sur des chaises longues en plastique - le paradis sur terre! on l'a déjà dit. Un jour a eu lieu la rentrée, le lendemain c'était l'automne, ils pouvaient encore déjeuner dehors, les assiettes posées à même la table en plastique blanche assortie aux chaises longues. Un peu plus tard ils ont commencé à tousser, ils ont mis une petite laine, le lendemain un manteau, c'était l'hiver. Jusqu'à Noël tout s'est bien passé. C'est avec janvier que c'est venu. Comme tous les janvier. C'est arrivé par en haut, ça a fondu sur la plaine, ça les a surpris au réveil. Le jour criait. Ça les a crispés sous leur couette. Il fallait se lever tout de même. Ils ont bu leur café et leur cacao en silence. Leurs oreilles abreuvées du cri du jour. Ils seraient bien restés attablés là tous les quatre. Aucun n'a mentionné qu'il était l'heure d'aller à l'école ou au travail - à ces occupations qui nous font croire à un but. Aucun. Comme si dans le fond ils savaient, se doutaient. Mais quand chacun eut bu quatre cafés ou deux chocolats, quand il n'y eu plus de pain, quand il fallut, tout de même, répondre au téléphone ou aller aux toilettes, ils s'habillèrent tous et finirent par sortir. On avait mis le plus petit devant, comme on fait avec les poussettes sur la route: pour se protéger soi, voir venir le danger et l'esquiver. On l'avait emmitouflé dans son anorak le plus gros, deux écharpes et un bonnet à pompon. On ouvrit la porte. On recula d'un pas devant le cri. On tressaillit - concrètement, parce qu'il faut le dire, parfois, quand on écrit, on emploi des mots qui sont bien beaux mais pas assez clairs, concrètement donc, ça veut dire que tout leur corps se crispa, qu'ils tremblèrent ensuite comme pris dans une grande vague, que leur corps entier réagissait à ce qui le saisissait. Et dans ce grand tressaillement, dans ce cri immense, on poussa légèrement le plus petit qui se tenait devant, oh! on le poussa à peine, presque rien, juste une petite tape dans le dos, et il s'envola. On ne vit rien, ou presque. Le petit était là et il ne l'était plus. Les trois autres commencèrent à ouvrir la bouche, pour questionner, protester, hurler mais ils n'eurent pas le temps. La main du vent vint les cueillir là, sur le pas de leur porte. Les poteaux qui délimitaient l'emplacement de la piscine dans le jardin ont fini par disparaître sous les hautes herbes. La plaine du Ventoux, l'hiver, c'est pas comme en août, le vent surtout, il faut se méfier du vent, le nom le dit, Ventoux, il faut écouter ce que les gens disent, comment ils ont nommé les choses.

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