Des mains

J'ai des mains d'ouvrière
Des mains carrées, larges
Des mains qui trahissent mon histoire
Gueulent tout haut la place qu'ils voulaient pour moi
J'ai des mains faites pour travailler la terre, agripper les animaux et les gosses au collet
Des mains de matrone
Qui commandent
Qui sévissent
J'ai des mains tracées de sillons profonds et secs
Jamais vu une seule graine y pousser

Des mains qui cousent cuisinent rangent lavent et portent la hache et le marteau comme si c'était inné
Tiennent des couverts pour une tablée de dix et des bûches pour le feu de trois nuits
Aussi le cou des poules des lapins et le couteau qui dépèce
Au bout, des doigts qui gonflent avec l'orage et l'été et même avec l'amour
Des doigts qui se heurtent aux touches domino du piano
Aux joues des gamins pas sages
Mais j'ai pas les ongles noirs, non, ça jamais!
J'ai les ongles vernis
Ça les rend plus jolies
Mes mains de fille
Mes mains qui caressent la terre, les animaux
Les hommes aussi, leur verge parfois
Puis la tête de leurs gosses.
J'ai des mains de femme quoi!

Illustration: photo d'un dessin sur un mur du musée La Panacée, à Montpellier en février 2017, dans l'espace dédié à l'exposition "Retour sur Mulholland Drive".

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