Sur la route
L'écriture avec soi
Comme seul bagage

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Entrer dans la cuisine
Plaisir régressif de l'enfance
Retour au temps des sens
Déjà la nappe à petites fleurs appelle les gâteaux, le sucre en paillette sur les lèvres et les joues, les casseroles au chocolat à lécher du bout des doigts
Comme chez mamie
                  *
Mais ce n'est pas tout à fait la même nappe
Pas la même enfance
Pas la même grand-mère
Pas le même pays
Ici aussi, au-dessus de l'évier en céramique récuré
Elle a tout soigneusement aligné
Ses ustensiles du quotidien
Ceux
pour goûter la chaleur,
pour plonger dans le soleil,
pour dévorer l'Italie
                *
Tout est déjà prêt pour servir les pâtes et le café

 

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près de Tarente . deuxième base navale du pays . là où la pollution tue . l'industrie jusque sur l'eau . le soleil comme une claque . des hommes en file indienne . bord de l'autoroute . pieds collés au goudron fondu . leur peau plus noire encore . un tout petit sac sur le dos . ou pas de sac du tout . viennent d'où? . vont où? . de port . à port . à port . à port . chaque jour . un nouveau départ . chaque jour . un peu plus loin sur la route . vers le nord .

 

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Les femmes au bar chantent O-O-Oh! à tue-tête sur des airs de samba pop
L'ombre protège encore un peu un coin de la place, juste avant le zénith, juste avant l'heure de la sieste
Déjà, les drapeaux s'agitent au dessus du belvédère comme les fines branches au sommet du pin parasol, la mer se parsème de ridules blanches
La rosace de marbre incrustée entre les pavés au centre de la place énumère les vents, du Mezzogiorno au Libeccio, du Levante au Sirocco, tous les airs gravés sous nos pieds
Aujourd'hui ça vient du nord, la Tramontane emporte les chapeaux, les cheveux et les jupes
Elle conjugue tous les temps

                                      *

Futur proche:
Un homme au ventre de neuf mois traverse un terrain vague en se dandinant sur sa canne
Il est torse nu, une casquette noire protège son visage du soleil de 18h - encore 35 degrés
Contre ses mollets un chien sombre, défoncé comme le terrain, comme les tas de métal et de bois sur l'herbe asséchée, jaunie, absente
Devant, plus loin, dans la lumière trop blanche, des queues de poneys se balancent.
Ils conduisent à eux deux, l'homme âgé torse nu et le chien mal fichu, un troupeau de Shetlands
Sûrement que ce sont des chèvres
Mais avec le soleil on finit par voir flou - et je m'en fous
Ça me plaît cette image délirante
Cette image du bout du sud de l'Europe
Cette image magique, comme tout ce qui dépasse les contours qu'on a malencontreusement voulu mettre au réel

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