ÉCRIVAINS-VOYAGEURS

[Carnet de voyage 34 /52 de l'année] 

Istanbul autant de fois que les doigts de la main. Un nom étoile filante dont la traînée porte avec elle des images - une basilique dorée et des mosquées de faïence bleue, la prison des femmes d'un harem d'un autre temps, des collines et des collines de maisons, des femmes en noir seules dans les ruelles au petit matin -, des odeurs - la viande qu'on grille dans la rue, le thé sucré trop chaud, les oeufs durs du milieu de la nuit -, des paroles - cris des marchands dans le souk, vendeurs de simit le long du Bosphore, étudiants à Taksim - et le clapotis de l'eau du grand fleuve.

Je suis arrivée dans cette ville un matin pâle par le train de nuit depuis la Grèce, passage de frontière vers trois heures du matin, les douaniers dans la cabine au milieu de la nuit.
Une autre fois, j'y suis passée en van, stop sur une route de 5000 km.
J'y ai aussi passé un Noël dans une boîte de nuit de cinq étages à me trémousser sur de la techno pendant que d'autres partageaient de la dinde et des cadeaux.

Istanbul c'est aussi un souvenir de poste restante. Comme les écrivains-voyageurs d'avant le temps d'internet, je suis allée chercher un colis à mon nom et sans adresse à la poste centrale. Le bâtiment massif était en plein coeur de la ville, son plafond en coupole, son hall comme celui d’une gare, grouillant d'allées et venues.

À combien de guichets je me suis arrêtée, si j'ai pris un ticket ou non, les décors ou la tête de mes interlocuteurs ont disparu de ma mémoire. Mais je me rappelle clairement la lettre épaisse et marron avec laquelle je suis sortie dans les rues déjà sombre, mon nom écrit à l'encre noire avec, au-dessus, la mention "poste restante".
Dans mon sac de voyage je n'avais alors que quelques vêtements et deux livres: Des monts célestes aux sables rouges d'Ella Maillart et Sur la route de Kerouac. En sortant de cette poste avec mon enveloppe à la main, je me sentais être avec eux. La littérature a la force d’engendrer des souvenirs communs.

 🌟Ce texte est inspiré de voyages dans la capitale turque entre 1998 et 2007. Il s'inscrit dans le projet annuel "Carnet de voyage" : en 2018, je partage toutes les semaine un texte sur le thème du voyage sur ma page Facebook et le blog.

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