Nous sommes assis dans ce salon, trop exigu pour nous tous. Nous rêvons, tous, parfois, à de grands espaces. À prendre l’air. À partir loin.
N’est-ce pas ?
Ça vous arrive aussi, je le sais.
Nous rêvons donc de partir.
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voyage
À minuit, la ville s’est retrouvée sur la grand place, au pied de la cathédrale. Tous le menton posé sur le clocher, les oreilles tendues vers les cloches. Bientôt. Les mains impatientes trifouillent des sacs en plastique ou en papier, crissements légers. Maintenant.
La montagne a la boule à zéro. L’herbe est rasée par le vent. Pelée on dit. Comme si la terre pouvait perdre des lambeaux de peau quand elle a encore de l’herbe.
Au-dessus de la ville, il joue.
A l'entrée du château, alors que tous les touristes sont redescendus à l'heure du dîner, dans l'heure rouge qui teinte les visages, les murs, le fleuve tout en bas, il joue.
Le bus est plein. La route est longue.
On descend la panaméricaine, la plus longue route du monde, celle qui part d'Alaska et termine sa course en Patagonie, au sud de l'Argentine, à Ushuaïa...
Certaines idées semblent bonnes jusqu'à ce qu'on les mette en pratique. Rouler jusqu'à la frontière russe pour la regarder, de loin, nous enthousiasmait depuis qu'on l'avait décidé. Nous avions choisi la route du nord, pour voir.
Je vais parfois dîner chez elle, tout en haut d'un immeuble haussmanien du neuvième arrondissement, dans le Paris des larges avenues mais dans une rue étroite à sens unique et pavées de menus pavés d'un gris presque noir. Le digicode ouvre un passage dans l'ancienne porte cochère monumentale…
Quand je pense aux droits des femmes
je pense à toutes celles que j'ai rencontrées derrière d'autres frontières
de l'autre côté d'une ligne culturelle un jour tracée sur un papier
il (qui ? le temps délave l’inutile) m’emmène vers eux, me fraie un passage jusque dans cette foule compacte
ma peau tranche contre leurs peaux sombres, mon shalwar kameez fusionne avec les leurs
nous passons une porte
parmi eux, à travers eux
(il y a encore des compartiments pas de climdes fenêtres qu'on ouvre en granden demandant aux cinq autres personnes si elles sont d'accord
sinon on va dans le couloir
et on laisse ses cheveux s'agiter dans les courants d'air)
C'est le temps des derniers. La dernière semaine, la dernière fois qu'on sera allé à la piscine, le dernier repas entre amis, le dernier jour, la dernière fois qu'on utilisera les bodyboards, la dernière soirée, la dernière photo, la dernière nuit, le dernier sms, le dernier au revoir.
Le billet d'avion acheté il y a un an servira pour de bon. Le visa s'arrête dans moins de deux jours.
l'élan du départ
concentré dans le premier train
ou plutôt
dans la première poignée de main
ou plutôt
Ancienne station thermale de l’époque de l’URSS. Seul un petit établissement avait résisté au temps, blotti entre la rivière et la falaise, une pièce pour les thermes, une autre pour les lits de camp. Quatre filles. On est parties sur le sentier d’un monastère dans ce coin reculé de Géorgie. Montagne. Herbe rase, quelques arbres. Au milieu du chemin, un vieil homme s’est approché.
Pourquoi vous voulez aller là-bas? me demande l'homme sérieux derrière son comptoir, ses yeux noirs posés sur les miens, cherchant en dedans des réponses différentes de celles que ma bouche s'apprête à lui donner mais qu'elle conserve le temps d'une réflexion, comme prise de cours.
Oui, pourquoi au juste ai-je envie d'aller en Iran?
Elle habite entre Archway et Highgate, près du parc sauvage de Hampstead qui surplombe la ville, où l'on peut s'asseoir au pied d'un chêne ou d'un érable, être fouetté.e par le vent pas tendre de la région, les mains enfoncées dans les poches, la tête au besoin sous une capuche, et observer, l'air content et le corps transi, les pointes des buildings de la City sous la pluie.
Il ne faudrait pas s'attacher aux objets. Je le sais, et puis c'est bien connu.
La philisophie bouddhiste le prône, l'hindouiste aussi sûrement, la sagesse populaire le rappelle, même le bon sens.
Il ne faudrait pas s'attacher aux objets.
Mais est-ce si simple?
C'est arrivé deux fois. La première à Thessalonique, la seconde à Téhéran. Ça a commencé dans le ventre, coeur des émotions, et puis ça a atteint la tête en remontant le corps comme une vague.
Je me suis installée sur le siège P24, vide, rouge. Comme dans un train, j'ai demandé qui était sur le O20, ma place ; comme dans un train, on m'a dit que je m'étais trompée de wagon. J'étais dans la mauvaise rangée, j'y suis restée.
on n'invente pas des noms comme ceux-là
trop longtemps qu'ils existent
mâchonnés par des gens qui n'avaient pas de lettres en main
que la terre en bottes séchées entre leurs doigts calleux
c’était un choix stupide comme on en fait à vingt ans
un choix sans songer aux conséquences, parce qu’on ne pense qu’à l’instant, à l’infini présent
un peu comme on fait l’amour sans préservatif, juste pour la beauté du geste
ou comme on mange du chocolat, jusqu’à en avoir mal au foie
tirer à la courte paille : conséquences inoffensives, conséquences offensives